20 avril 2024

Une seule et belle vie

Deux vies valent mieux qu’une, Jean-Marc Roberts

Devrais-je avoir honte de ne pas l’avoir connu plus tôt ? Que ma curiosité littéraire, pourtant assez vivace, ne m’ait pas portée jusqu’à lui avant ce mois de mai ? Que ce soit le hasard d’une tête de gondole qui ait attiré mon regard vers cet ouvrage tout en sobriété apparente ? J’ai décidé que non. Je n’ai pas honte. Je suis, comme le chante un brun à barbe qui a en ce moment toute mon attention, heureuse d’avoir connu Jean-Marc Roberts aujourd’hui, plutôt que jamais.

Deux vies valent mieux qu’une, ce sont quelques lignes que j’ai lues comme absorbée, aimantée, attachée. Je suis entrée dans son histoire. Il m’y a invitée, et j’ai suivi, les yeux parfois humides, les larmes parfois roulant, ces quelques mois de lutte que Jean-Marc Roberts relate avec un humour désarmant et une tendresse qui ne veut pas se taire.

Alors, accrochée à la barre centrale du wagon du métro comme à la dernière main solide me retenant avant que je ne tombe dans le vide, j’ai avalé ses jours, ses heurts, ses scanners, ses heures joyeuses et ses rechutes, sa route inexorable à travers la maladie qui, malgré toute la force qu’un homme porte en lui, écrase tout sur son passage.

Au travers des lignes, j’aurais voulu lire une bonne nouvelle, à défaut de me nourrir de croustillantes anecdotes ou de souvenirs moins joyeux mais tout aussi indispensables à la compréhension de l’homme et de son histoire. J’aurais voulu respirer de soulagement. Etait-ce le hasard, cette tête de gondole ? Y a-t-il jamais vraiment de hasard ? Par quelle étrange coïncidence, malgré ma peur de la mort, de la maladie, de la souffrance des miens, est-ce que je me retrouve encore à m’imprégner d’une histoire qui m’y plonge et m’y coule ? Et s’il n’y a pas de hasard, alors quelles sont les raisons ? Comme Marianne Colomès interroge Jean-Marc au milieu de la bagarre, “mais de quoi vous sentez-vous coupable ?“

S’il ne s’agissait d’une autobiographie, je pourrais dire le plaisir que j’ai eu à dévorer Jean-Marc Roberts. S’il n’avait raconté son vécu de ma crainte, je pourrais tendre l’ouvrage à ceux que j’aime et leur dire “lisez, pleurez, n’ayez pas peur”. Deux vies valent mieux qu’une, certes. Mais l’oracle ne s’est pas produit. Deux vies valent mieux qu’une, mais comme Jean-Marc Roberts, nous n’avons qu’une seule chance. Pour lui, pour nous, pour eux, faisons de cette chance la plus belle des histoires.

Marie

J'aime prendre le train, lire et marcher en même temps, manger des gâteaux chinois au soja achetés dans un magasin douteux de Belleville, cueillir des mûres, lire des histoires de princesse à mes princesses, lire des histoires de prince à mon prince, zoner dans les boutiques de musée, dénicher des aimants de frigos ringards à la fin des voyages, écouter Glenn Gould et Nigel Kennedy, faire du vélo en jupe avec le vent de face…

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