28 mars 2024
Dead-slow-ahead

Top ten cinéma pour 2016

Parmi la quarantaine de films que j’ai regardée au cinéma cette année, deux sont sortis dans les salles fin 2015 mais je ne les ai vus qu’en janvier. Ils sont pourtant dans ma liste. Je précise que je n’ai pas encore vu le dernier Jarmush, Paterson, et surtout L’Ornithologue, de João Pedro Rodrigues, qui a l’air très bien.

Voici donc un petit top 10 !

1. The Strangers, Na Hong-jin

Les deux premiers longs métrages de Na Hong-jin, The Chaser (2008) et The Murderer (2010), ont creusé très profond dans une quête que l’on pourrait considérer comme caractéristique d’un certain cinéma sud-coréen : celle de l’origine, ou du sens, du mal et de la violence. Ce qui est surprenant dans The Strangers, c’est que loin de rester dans les codes du genre et du cinéma contemporain de son pays, Na Hong-jin pousse très loin et fait un pari énorme. Ce n’est plus un assassin en série ou des policiers bêtes et méchants, mais le mal lui-même qu’il met en scène.


2. Elle, Paul Verhoeven

Plusieurs lectures possibles pour ce film. J’aime bien l’idée d’un film sur une femme entourée et désirée par tous les hommes (comme c’est souvent le cas pour les films avec Isabelle Huppert), mais qui finalement, après avoir été frappée, trompée, violée, draguée… avec ou sans sa permission,

Attention, spoiler
décide de vivre avec son amie.
Il y a, bien évidemment, beaucoup plus que cette interprétation
Attention, spoiler
« lesbienne »,
mais dans tous les cas ce n’est pas le plus important. C’est le thriller le plus réussi de l’année.


3. Dead Slow Ahead, Mauro Herce

Reconnu comme chef opérateur d’une dizaine de films, de courts-métrages et documentaires, Dead Slow Ahead est le premier film réalisé par Mauro Herce. Presque sans dialogue, ce film montre non la vie mais l’existence dans un bateau, dont les bruits, les fonctions et les mouvements de machines prennent toute la place. Les quelques hommes présents émettent eux aussi des bruits, mais surtout ils ont chacun une fonction. Il y a un effacement des frontières entre homme et machine, mais, contrairement à ce qu’on voit de plus en plus dans un certain cinéma de science-fiction, le but ici ce n’est pas d’humaniser les machines…


4. El abrazo de la serpiente, Ciro Guerra, 2015

Sorti fin 2015. Très beau noir et blanc, avec un seul passage en couleur, impressionnant clin d’œil à 2001, l’Odyssée de l’espace. C’est, pour moi en tout cas, le meilleur des films colombiens. Ciro Guerra avait déjà fait deux longs-métrages La sombra del caminante (2004) et Los viajes del viento (2009). Le film de 2004 avec plusieurs défauts normaux pour un premier film, mais surtout avec une vraie originalité, et celui de 2009 qui réussit la mise en rapport entre le surnaturel et une sorte de road movie. El abrazo de la serpiente est cependant plus ambitieux, dans la technique et dans l’histoire, et aussi plus universel (ou international, pour ne pas abuser du langage).


5. Évolution, Lucile Hadzihalilovic

Il y beaucoup de films fantastiques ou de science fiction, mais la plupart restent très basiques, ou bien ratés principalement à cause de deux choses. Soit ils utilisent la science-fiction seulement pour donner une autre ambiance aux vieux conflits de l’être humain toujours penché sur lui-même ; soit ils ne parviennent pas à la création d’un univers fictionnel cohérent. Ici, Lucile Hadzihalilovic évite les deux problèmes. Le monde de femmes que présente Évolution est une grande réussite esthétique et scénaristique.


6. Mademoiselle, Park Chan-wook

Le dixième film de Park Chan-wook, auteur de la trilogie de la vengeance, a en commun avec les autres une formidable originalité. Il y a plusieurs tours d’écrou, et l’histoire se développe sans cesse. C’est très beau, très surprenant et assez drôle. On pourrait juste critiquer un répétition excessive, trop explicative (conséquence d’un élargissement du public ?), et aussi un manque de folie au moment de montrer le sous-sol du vieux pervers, même si l’histoire le justifie très bien, et c’est peut-être même un des point forts du film : suggérer le spectaculaire, faire naître des attentes de fantastique, pour quelque chose qui est pourtant très banal.


7. Rester Vertical, Alain Guiraudie

Trois ans après L’Inconnu du lac, un film avec des hommes qui ne bougent pas, ou qui bougent, mais qui n’avancent pas forcément. Ils sont tous coincés, chacun dans sa place, dans son espace et dans sa situation. Le sexe est pratiquement banni comme plaisir, il sert à donner la vie, pas forcement souhaitée, ou bien la mort, clairement souhaitée. Une certaine misère économique, affective, sociale, mais l’idée, fixe dans la tête, de continuer, d’affronter le loup.


8. Voyage à travers le cinéma français, Bertrand Tavernier

Dans la filmographie de Tavernier il y a des bons, des moins bons, et des pas bons. Mais, ce qui est sûr, c’est qu’il est un cinéphile. Le plus intéressant d’une histoire du cinéma présentée par un réalisateur, c’est la subjectivité. C’est son regard qui doit supplanter celui du spectateur, car il ne s’agit pas d’une organisation de dates et de titres, mais d’une histoire passionnée, qui donne forme et constitue la vie d’un obsédé du cinéma. Ça, c’est beau.


9. Neon Demon, Nicolas Winding Refn

J’ai l’impression que tous les films de NWR, à l’exception peut-être de Valhalla Rising (que je trouve très réussi), ont des grandes qualités mais aussi des défauts plus ou moins graves. Neon Demon suit cette règle. La perspective de la jeune mannequin (qui fait penser, parmi d’autres, à Naomi Watts dans Mulholland Drive) ne montre pas les choses comme elles se passent, mais donne sa propre impression. Les sessions de photos,

Attention, spoiler
sa mort,
mais surtout le défilé de mode, sont de très bons moments du cinéma. Le bémol vient peut-être du fait que, au-delà de l’intention claire de montrer le vide, le film paraît vide lui aussi.


10. The Assassin, Hou Hsiao-hsien

Sorti fin 2015.
Le IX siècle, des empereurs, des assassins, des dilemmes légèrement existentiels…
Passé la nouvelle vague taiwanaise, Hou Hsiao-hsien fait un film très délicat, extrêmement beau.

Carlos

Docteur en Histoire et Sémiologie du Texte et de l’Image de l’Université de Paris, mes recherches et publications portent sur la littérature comparée contemporaine et le cinéma, principalement dans une perspective posthumaniste, ainsi que sur la littérature et le cinéma en Amérique latine et en Espagne. Chercheur associé au Cerilac (Université de Paris), j'ai fondé l’association Image et Parole à travers laquelle je programme des films au cinéma Grand Action (Paris 5e).

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2 réflexions sur « Top ten cinéma pour 2016 »

  1. J’ai vu « Elle ». Trouvé l’histoire originale, bluffée par la fin du film. Le côté froid d’Isabelle Huppert me dérange un peu parce que j’ai l’impression que c’est à chaque film pareil jeu. Je vais essayer de voir « Mademoiselle » et « Assassins » en espérant que ça passe encore! J’ai vu « Les délices de Tokyo » que j’ai trouvé parfois bouleversant par les thèmes évoqués, une belle lumière, une façon simple montrer les choses. Vu aussi « Au delà des montagnes », Bien aimé les deux premiers tiers du film! pour le scénario, les rapports entre les personnages, les paysages, le découpage « en parties »mais complètement déstabilisée par la dernière partie…..!

  2. Oui, ce côté froid c’est en fait une caractéristique du jeu d’Isabelle Huppert. Je n’ai pas vu Les Délices de Tokyo, mais Naomi Kawase est en effet une réalisatrice intéressante, notamment pour Suzaku. Je n’ai pas vu non plus Au delà des montagnes, mais le film antérieur de Jia Zhangke, Touch of Sin est excellent !

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