25 mars 2025
Hello Dolly, Lido, 2 mars 2025 © Céline

« Hello, Dolly! », holy Lido !

Voici hélas la chronique d’un spectacle que plus personne ne pourra voir, puisque je l’ai découvert avec ravissement dimanche, lors de sa dernière représentation… alors qu’il venait de passer quatre mois en résidence sur les Champs-Élysées (oui, c’est ballot). C’était tellement beau et charmant, joyeux et pétillant, que j’ai envie d’en parler quand même. Et pourquoi pas, de lancer une pétition pour que cette production au cordeau, montée par et pour le Théâtre du Lido, y revienne un jour pas trop lointain, avec CETTE distribution et dans CETTE mise en scène. Back where it belongs!

L’adorable affiche croquée par Catherine Meurisse

« Céline, tu fais quoi dimanche à 15h ? Je vais voir Hello, Dolly! au Lido. C’est la dernière et j’ai envie d’en faire profiter quelqu’un à qui ça ferait vraiment plaisir. » Autant dire que je n’ai guère hésité en recevant ce sympathique appel téléphonique deux jours avant le jour J, malgré la perspective de passer un nouvel après-midi ensoleillé dans une salle sombre. La curiosité de pénétrer dans cette institution champsélyséenne, plus encore que celle de découvrir une comédie musicale, a déclenché de façon pavlovienne un « oui ! » reconnaissant.

C’est triplement inculte que je suis arrivée au Lido. D’abord, je n’y avais jamais mis les pieds – pensant que c’était plutôt pour les touristes, même depuis le changement de direction artistique tournée aujourd’hui vers les comédies musicales de renom (Cabaret, The Rocky Horror Picture Show, Something funny happened on the way to the forum...). Ensuite, je n’avais rien lu sur le spectacle – j’ignorais donc tout de l’accueil critique. Enfin, je ne connaissais pas Hello, Dolly! en dehors, vaguement, de son air phare – et du fait que WordPress (l’outil qui fait tourner ce blog) propose dans son back office des citations tirées aléatoirement de la chanson de Louis Armstrong parce qu’elle « symbolise l’espoir et l’enthousiasme de toute une génération ». (Rien que ça).

Un joli lieu aux agencements curieux

Durant l’entracte, les jets d’eau centraux constituent à eux seuls un spectacle ravissant.

Je me suis donc installée, vierge de toute attente et tout a priori, dans la belle salle de type art déco visiblement rénovée. L’atmosphère du lieu est agréable, différente d’un théâtre habituel ou même de l’opéra. Cosy et d’un certain standing, de par sa configuration cabaret chic, avec des tables rondes pour grignoter (du snacking) ou boire une coupe.

La visibilité en catégorie or est plutôt bonne – bien que j’aie été un peu gênée par les personnes assises devant, dans des fauteuils -, mais je reste perplexe sur les canapés partagés avec des inconnus. Pour ma part, j’étais dans un angle arrondi et, pour éviter le torticolis, peu confortablement installée. Je m’interroge aussi sur les places de catégorie 1 sur les côtés. Mieux vaut être face à la scène, surtout pour une comédie musicale avec des tableaux chorégraphiques. D’autant plus que les surtitres sont excentrés, ce qui fait que j’ai vite lâché l’affaire pour essayer de suivre directement l’histoire en anglais au lieu de rater la moitié du spectacle.

Voilà pour mes réflexions sur le Lido. Venons-en à Hello, Dolly!.

Une intrigue datée, un cast parfait

Ce « hit » des comédies musicales a fêté ses 60 ans en 2024. Pour l’occasion, le Lido a monté cette production, spécialement pour le lieu (comme les précédentes), avec une équipe anglaise. Moi qui croyais que c’était une mise en scène de Broadway en tournée, eh bien non, les interprètes ont tous été recrutés spécifiquement pour ces représentations parisiennes et ont appris à se connaître durant ces quatre mois de résidence. Une belle réussite : le spectacle n’avait, je pense, rien à envier à ce que peuvent voir les Américains ou les Anglais depuis des décennies à Broadway ou West End !

Dès les premières notes jouées par un orchestre en mezzanine, tout le charme suranné des comédies musicales à base de mélodies jazzy et numéros de claquettes, m’a sauté aux oreilles, créant une boule de nostalgie heureuse dans la gorge. L’enchantement n’a fait que croître au fil de la pièce.

D’abord grâce au professionnalisme de la troupe, d’une précision impressionnante. Qualité du chant, des chœurs, des harmonies, des chorégraphies, de l’orchestre : tout est juste, strictement en place, propre et millimétré (presque trop ?!). Une beauté formelle, dans la tradition de ce qu’on imagine être un succès de Broadway, qui compense élégamment une intrigue assez dérisoire, une comédie romantique conventionnelle pleine de quiproquos, au terme de laquelle tout le monde trouve chaussure à son pied.

Néanmoins, le personnage principal, Dolly, a deux mérites. Elle met à l’honneur, ce qui n’est pas fréquent, une figure de femme d’un certain âge, qui décide de ne renoncer ni au bonheur ni à l’amour – ni à l’argent. Dolly Gallagher Levi est veuve, encore éprise de son défunt mari, mais n’a pas l’intention de laisser la chance filer devant ses yeux. Et en jouant les marieuses professionnelles (et professeures de danse, avocates, etc.), elle en profite pour orienter le destin à son avantage. Si ses motivations font grincer quelques dents féministes (trouver un mari riche pour vivre mieux), elle est sans conteste le personnage le plus malin, culotté, drôle et généreux de la pièce. [Attention, spoil] Et c’est cette personnalité tourbillonnante qui finit par séduire Vandergelder, qui renoncera à sa vision très machiste de la femme (« It takes a woman ») pour embrasser une vie de couple sûrement un peu plus rock n’roll. [/spoil]

La mise en scène enlevée de Stephen Mear réserve de très beaux moments : le départ en train inventif m’a mis les larmes aux yeux, le chassé-croisé vaudevillesque dans la boutique de chapeaux d’Irene Malloy est parfaitement rythmé, la parade se termine dans des confettis jubilatoires, la danse virevoltante et impeccablement exécutée des serveurs est une vraie performance et l’arrivée glorieuse de Dolly, descendant l’escalier qu’on attend un peu dans tous les comédies musicales, m’a donné les mêmes frissons que l’apparition de Julie Andrews sur le « Jazz Hot » de Victor Victoria de Blake Edwards. L’union harmonieuse de la musique de Jerry Herman et de la scénographie (un décor simple vu les dimensions de la scène, mais habilement modulable), des costumes, couleurs et lumières, m’a ravie du début à la fin.

Cet enchantement n’aurait pu être, si Dolly n’avait pas été si bien interprétée par Caroline O’Connor, star du genre, acclamée dès son entrée sur scène par un public apparemment connaisseur. Je l’ai déjà dit, la troupe était fabuleuse, des rôles principaux (un solide Horace, une Irene vibrante, un excellent Cornelius et des chœurs aux superbes harmonies) aux danseurs et musiciens. Mais Caroline O’Connor, quelle énergie solaire ! Une voix splendide, un sourire éclatant, un talent d’actrice, un sens du tempo irrésistible. Grâce à elle, Dolly n’est pas que vénale ou manipulatrice, elle est charismatique et l’on comprend l’affection qu’elle suscite partout où elle passe ou est passée (scène-clé au Harmonia Gardens (« Hello, Dolly! »), où elle est attendue par une armée de serveurs énamourés, qui évoque un passé glamour et mystérieux). La chanteuse, qui a à peu près l’âge de la comédie musicale, en grande forme, sait doser à merveille tous les aspects (opportunisme, humour, bon sens, fidélité à feu son mari…) de son personnage, le rendant joyeusement libre et donc sacrément attachant.

Les 2h30 de spectacle sont passées rapidement. J’aurais aimé un rappel chanté après la longue standing ovation, dommage. Hello, Dolly! n’est certes pas le musical le plus moderne ou élaboré, mais il étincelle du charme pétillant (« à l’ancienne ») des classiques du genre. C’est une ode optimiste et touchante à la joie de vivre et au goût du bonheur, absolument réconfortante en ces temps troubles. Please, never let Dolly go away again.

Pour en savoir plus :

Céline

J'aime bidouiller sur l’ordinateur, m’extasier pour un rien, écrire des lettres et des cartes postales, manger du gras et des patates, commencer des régimes, dormir en réunion, faire le ménache, pique-niquer, organiser des soirées ou des sorties « gruppiert », perdre mon temps sur Facebook et mon argent sur leboncoin.fr, ranger mes livres selon un ordre précis, pianoter/gratouiller/chantonner, courir, "véloter" dans Paris, nager loin dans la mer…

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