Alors que notre monde est traversé de tensions, de crises, de guerres, d’horreurs et d’inquiétudes, Paul Lynch nous livre un récit (Booker Prize) dont on sort incrédule et marqué, mais loin de l’étonnement et de l’impossibilité qu’il advienne vraiment. Malheureusement.
Dans une Irlande hors du temps, le gouvernement décrète l’état d’urgence et se lance dans une chasse aux opposants à commencer par les syndicalistes, enseignants, chercheurs. Ce sont les hommes qui font l’objet des premières mesures : pression, interrogatoires, licenciements, et disparition.
Eilish, chercheuse et mère de 4 enfants, se retrouve ainsi seule après l’évaporation de son mari Larry, dont elle n’aura plus jamais de nouvelles. Et c’est ainsi, dans un mouvement lancinant et fatal, que Lynch tisse la destruction de toute une société sous couvert de maintien de l’ordre et de la sécurité.
Un quotidien – pas si différent du nôtre – se transforme de façon lente et implacable, depuis le couvre-feu, jusqu’aux rationnements, en passant par l’accès aux soins et à l’eau potable, mais aussi au contenu des enseignements dispensés et à ceux qui les dispensent. Eilish, pourtant, est alerte, réactive, ferme et obstinée. Elle refuse de céder à la peur et croit, longtemps, à la possibilité d’un retour en arrière… au temps où le pouvoir politique ne faisait pas du peuple son ennemi.
Bientôt, la ville est guerre. Bombardée, détruite, sans électricité, sans hôpitaux, sans espoir. Bientôt, même les enfants disparaissent. Et alors, la conviction et la volonté cèdent, au nom de la survie.
Avec Le chant du prophète, Paul Lynch nous assomme en nous projetant dans cette puissante fiction irlandaise qui, il faut le reconnaître, ne nous semble pas si lointaine.
« La fin du monde est toujours un événement circonscrit, elle arrive dans votre pays, entre dans votre ville et frappe à votre porte, mais elle n’est pour les autres qu’une vague menace, un bref compte rendu dans un bulletin d’information, l’écho d’événements transformés en récits. »