"Silent Pool – La reine du crime a disparu" : un hommage très réussi à Agatha Christie

Qui n’a jamais lu au moins un roman d’Agatha Christie ? Un meurtre mystérieux, des personnages cachottiers, des fausses pistes, des indices, une révélation finale à huis clos en présence de tous les suspects, le ou la coupable brillamment confondu·e… Avec Silent Pool, les amateurs du genre seront en terrain délicieusement connu. La jeune Compagnie Les Ballons Rouges s’empare avec un respect facétieux d’un fait réel pour ficeler, « à la manière de », une intrigue que la « reine du crime » herself aurait probablement applaudie. Comme nous.

Cette nouvelle pièce de la compagnie émergente Les Ballons Rouges, qui nous avait déjà charmés la saison dernière avec Léocadia, est une création complète. Trois des comédiens au plateau – Carla Girod et Drys Penthier, l’excellent duo d’enquêteurs, et Axel Stein-Kurdzielewicz, le mari infidèle – ont co-écrit le texte, en hommage à Agatha Christie. Le pari était risqué : broder autour de sa véritable disparition en décembre 1926 ; le défi est relevé « haut les mains ». Nous voici plongés dans une enquête policière ludique, pétillante d’humour et d’inventivité, dans laquelle tous les codes sont respectés, du tea time à la campagne anglaise brumeuse, en passant par les chausse-trappes attendus.

Le binôme Kenward / Hastings (hommage au « Watson » de Poirot) rappelle les « couples » à la fois contraires et complémentaires des séries et polars légers – notamment… Les petits Meurtres d’Agatha Christie ! Lui, machiste et suffisant ; elle, finaude et spontanée. Comme dans tout whodunnit qui se respecte, le tandem interroge une galerie de personnages qui semblent tous cacher quelque chose : une domestique revêche, un mari volage, une amie sur la défensive, un éditeur avide… Chaque comédien incarne son ou ses rôles avec un plaisir contagieux (leur complicité crève les planches), dans des décors ingénieux et « livresques », signés David Legras, Jacques Poix-Terrier et Thalie Amossé aux illustrations.

Car, oui, quel plaisir de scénographie et de mise en scène ! Oh, la joyeuse perspective ! Oh, les élégants flashbacks ! La compagnie s’amuse à créer des univers évocateurs à partir de trois bouts de ficelle. Un manège dans Léocadia, et nous étions transportés dans un labyrinthe végétal ; trois panneaux mobiles et quelques lumières dans Silent Pool et nous passons naturellement d’un salon cosy à une voiture traversant une forêt, d’un commissariat à une maison d’édition. Un vrai soin est porté à l’esthétique générale : les costumes nous plongent dans les années 20, jusqu’à l’affiche, avec sa police Art Déco.

Les lectrices et lecteurs assidu·es d’Agatha Christie, dont j’ai fait partie dans ma jeunesse, apprécieront les clins d’œil aux romans Cinq petits Cochons, Le Meurtre de Roger Ackroyd (que j’ai toujours trouvé un peu surcoté) et Le Train bleu. Ils repéreront peut-être le petit détail qui cloche (Les indiscrétions d’Hercule Poirot m’a aidée), mais s’ils découvrent le « comment », je les défie de comprendre le « pourquoi ». L’intrigue tient bien la route. En ce qui me concerne, j’ai été aussi satisfaite de découvrir la vérité qu’en lisant un véritable roman.

En bref, une vraie comédie policière qui fait honneur à Agatha Christie, en lui imaginant une disparition aussi palpitante que ses romans ! N’hésitez pas à emmener vos pré-ados / ados, c’est la sortie idéale pour un week-end en famille, avant de rencontrer la troupe au bar l’Étoile de Montmartre.