Notre passage furtif en 2016 à Arles pour les Rencontres internationales de la photographie nous avait laissés sous le charme (si, évidemment, on évite d’évoquer les attaques violentes menées par des troupeaux de moustiques sur nos tendres mollets parisiens dénudés… ignorants que nous étions). Nous avons donc renouvelé l’expérience et quel plaisir ! Nous n’avons pas tout vu, nous n’avons pas tout aimé. Mais plusieurs artistes et expositions ont tout de même laissé une trace… Si vous êtes dans le coin, les Rencontres durent jusqu’au 24 septembre et voici quelques idées de visite.
Année France-Colombie oblige, une large place était cette année consacrée aux artistes colombiens et plus largement à ceux d’Amérique centrale et d’Amérique du sud.
Très réussie, la réunion d’artistes à l’espace Van Gogh, pour l’exposition intitulée « Pulsions urbaines » (thématique « Latina ! »), nous fait traverser les années et les frontières sans jamais se risquer à sombrer dans le folklore et l’exotique, à la découverte d’un espace-temps latino-américain qui nous échappe encore.
Expo coup de cœur à l’Église des Frères Prêcheurs, celle de Michael Wolf intitulée « La vie dans les villes » (thématique « L’expérience du territoire »). Particulièrement mis en valeur par un accrochage intelligent, les clichés du photographe allemand Michael Wolf saisissent, tant par la réalité qu’ils dévoilent que par leur esthétisme. Et il faut d’ailleurs un temps d’adaptation à nos yeux pour comprendre ce qui se cache derrière la beauté de la photo : ces immenses immeubles d’habitation de Tokyo, Hong Kong ou Chicago, autant d’individus empilés, sans plus de sens que ces boîtes de conserves dans les rayons de n’importe quel supermarché.
« Stances » de Marie Bovo (thématique « L’expérience du territoire ») nous fait plonger avec douceur dans les paysages enneigés d’Europe orientale et de Russie, que l’on traverse au rythme lent des trains. Pris à chaque fois au même moment, avant que les portes ne se referment, les photos de Marie Bovo transmettent un instantané, « point de jonction entre le wagon et l’au-delà de ses portes ». Exposition qui se tient à l‘Église des Trinitaires.
Le Palais de l’Archevêché accueille une formidable exposition du Japonais Masahisa Fukase, « L’incurable égoïste » (thématique « Mise en scène »), toute première rétrospective de l’œuvre de l’artiste à avoir lieu en Europe et occasion unique de découvrir des oeuvres qui n’avaient, jusqu’à présent, jamais quitté le Japon ! Solitude, famille, mort… autant de sujets mis en scène par et avec Fukase, qui s’intègre bien souvent dans ses propres clichés.
Carte blanche à Alex Majoli au Palais de Luppé, invité à s’exprimer avec le dernier né de la gamme Olympus : l’OMD EM-1 Mark II. Une exposition intitulée « Titanic » (thématique « Programme associé »).
Photographe italien originaire de Ravenne, il présente à Arles plusieurs clichés autour de 3 sujets : la montée des extrêmes droites, les migrants et les réfugiés eux-mêmes, l’accueil des nouveaux arrivants par l’Europe. Entremêlées au coeur d’une salle sombre qui fait littéralement plonger le visiteur dans les situations présentées, les photos de Majoli nous envoient drame, violence et misère à la figure. On en ressort sonné.
Enfin, notre toute dernière expo à Arles (pour cette année !), celle de David Fathi, « Le dernier itinéraire de la femme immortelle » (thématique « Émergences ») présentée à l’espace Croisière. En fait, ce n’était pas vraiment une expo, car si les photos sont belles, ce sont surtout les textes et cette histoire absolument incroyable qui nous ont marqués :
« Le 4 octobre 1951, Henrietta Lacks succomba à une forme particulièrement agressive de cancer. Ainsi débuta son dernier voyage, de l’hôpital Johns-Hopkins à Baltimore au cimetière familial situé en Virginie. Personne ne se doutait alors qu’un autre périple commençait pour elle, ou plus exactement pour ses cellules. De fait, le Dr George Gey avait prélevé sans qu’elle n’en sache rien un échantillon de sa tumeur. Il constata avec stupéfaction que les cellules de son ancienne patiente se comportaient d’une manière totalement inédite : elles continuaient à croître et à se développer, encore et toujours, à l’infini. Henrietta ne le savait pas, mais elle était devenue immortelle »…
Et pour ceux qui s’interrogeaient des aspects moins artistiques du séjour, malgré toutes nos précautions, nous avons tout de même nourri quelques moustiques locaux, mais quel plaisir de rejoindre, désormais chaque année, cette petite ville accueillante et gorgée de soleil !