Du 25 au 27 février, la Maison de la Culture du Japon à Paris a organisé trois soirées sur le thème « Ciné-piano mon amour », en collaboration avec Jean-Marc Luisada, pianiste de renommée internationale. Trois soirées mêlant concerts et projection de films japonais. Nous avons eu la grande chance d’être invités pour la dernière, avec au programme Claude Debussy, Robert Schumann et Kon Ichikawa, dans une Maison d’une élégance rare. On en est encore éblouis.
Passionné de cinéma, Jean-Marc Luisada n’est autre que l’initiateur de ce cycle « Ciné-piano mon amour », un exercice qui lui est familier puisque le Cinéma Balzac l’avait déjà accueilli en octobre 2013 pour une série intitulée « Le cinéma, musique de ma vie ».
C’est en 1985 qu’il entame véritablement sa carrière internationale, en étant lauréat du prestigieux Concours Chopin à Varsovie. Il se met alors à parcourir le monde en récital et sous la direction de grands chefs d’orchestre – Charles Dutoit, Yutaka Sado, Yehudi Menuhin… Un parcours admirable, nourri du cinéma et de ceux qui en ont été les artisans les plus audacieux et talentueux.
Cette fois, c’est vers le Japon que le virtuose s’est tourné. Car, dans son impressionnante médiathèque de plus de 8 000 dvd, il n’a pas oublié de faire une place de choix aux grands maîtres du cinéma japonais… Après nous avoir tenus en haleine pendant une petite heure où seuls résonnaient le piano et les airs tendres et envoûtants de Debussy et Schumann, et où le prunier japonais présent sur scène vibrait suivant les notes en laissant tomber quelques fleurs roses dans une poésie imprévue et pourtant tellement juste… Jean-Marc Luisada a lui-même introduit le film de Kon Ichikawa, La harpe de Birmanie, une oeuvre admirable et bouleversante, datant de 1956 et à l’intensité restée parfaitement intacte.
La harpe de Birmanie est l’adaptation du roman éponyme de Michio Takeyama, publié au Japon en 1947.
Récompensé à la Mostra de Venise, au Festival de Cannes et nominé au Oscars, le film de Kon Ichikawa retrace le douloureux parcours d’une garnison japonaise en Birmanie en juillet 1945. La fin est proche pour l’Empire et, pour aider ses soldats à ne pas sombrer dans le désespoir, Inouye leur enseigne l’art du chant choral. Au sein de cette petite troupe, Mizushima, joueur autodidacte de harpe de Birmanie, est régulièrement envoyé en éclaireur et parvient à passer des messages à ses compagnons à l’aide de son instrument. Alors que l’escouade est rapidement faite prisonnière au moment de la capitulation, Mizushima est chargé d’une dernière mission et disparaît. Sauvé et recueilli par un prêtre bouddhiste, il revêt l’habit de bonze et se met à la recherche de ses compagnons. Sur sa route, il découvre des charniers, des soldats japonais tués et abandonnés dans la jungle et au bord des fleuves, et entreprend de leur offrir des sépultures.
Michio Takeyama signe ici une fable pacifiste mais jamais libérée de la douleur et du désespoir. La musique permet aux hommes de communiquer ; elle remplace aussi les mots quand ils n’ont pas la force de dire. On est alors emportés par la dévastation de Mizushima, dont seules la harpe et ses notes sont désormais les seules compagnes.
Cette oeuvre d’une beauté implacable est sans doute l’une des grandes pépites du cinéma japonais. On en garde une empreinte à la fois lourde et lumineuse, et l’impression que la musique devrait nous accompagner toujours.