Quel chef d’œuvre que cette épopée animalière sans paroles. Un voyage sensoriel mystérieux et inquiétant, poétique et fascinant, dont je ne suis pas sortie indemne tant l’émotion m’a submergée à chaque plan.
Alors que l’eau monte inexorablement, prenant possession de la surface d’une Terre vide d’humains et des derniers vestiges de leurs constructions grandioses, les animaux tentent de survivre. Parmi eux, Flow, un chat (autrefois adulé semble-t-il) dont on ne connaît le nom (et c’est le seul à en avoir un) que par le titre du film. Ce félin à la couleur ambivalente, se retrouve littéralement embarqué dans une odyssée spectaculaire. Sur une arche miniature sans Noé, sans cap fixe, mais avec quelques autres bestioles rencontrées en cours de périple et sauvées du déluge.
Gints Zilbalodis orchestre avec imagination un survival contemplatif et minimaliste, dans des décors « irréels » d’une beauté sidérante et d’une mélancolie sans nom. Cette civilisation engloutie, cette nature hostile et somptueuse à la fois nous ramènent aux temps primitifs où la lutte pour la survie face au danger et à l’inconnu est la seule chose qui compte. Pour autant, difficile d’y parvenir seul et c’est ce que vont comprendre Flow et ses compagnons de voyage. Aussi la solidarité inter-espèces s’impose-t-elle malgré les différences et l’absence de langage commun pour s’organiser.
Si l’on éventuellement peut regretter un manque de précision dans le traitement du pelage des animaux (mais cette imperfection participe de la poésie générale selon moi), le sens de l’image, du cadrage (à hauteur d’animal) et des mouvements de caméra, qui ne sont pas sans évoquer les jeux vidéos, coupe le souffle à chaque seconde. Le travail sur le son immersif est également un régal.
Mortifère et foisonnant de vie, Flow est une bombe d’émotions, portant en lui la dualité de l’eau – élément indomptable, à l’origine de la vie et à la puissance destructrice. On sourit, on rit, on est attendri, on a peur, on pleure, l’esprit est même un peu énervé voire déprimé par ce trop-plein de ruines époustouflantes et cette absence de points de repères… On navigue dans un univers incertain, ne sachant jamais vraiment ce qu’on va découvrir, ni ce qui va se passer.
Le film évoque évidemment les potentielles catastrophes écologiques à venir, interroge notre responsabilité d’humains en nous montrant des espèces souvent considérées comme « inférieures » qui parviennent à s’unir pour s’en sortir. C’est peut-être l’aspect le plus maladroit du film car on doute qu’un oiseau (le second personnage le plus intéressant, « acteur » d’une scène onirique sublime à l’origine d’un retournement de situation) ou un capybara puisse manœuvrer un gouvernail. Un peu plus de radicalité dans le non-anthropomorphisme ne m’aurait pas déplu, mais ne faisons pas la fine bouche.
C’est d’ailleurs peut-être ce flottement étrange entre animalité et humanité qui donne son sens au dernier plan énigmatique. Sans l’avoir bien compris, j’en tire diverses interprétations : un renouveau possible mais fragile ? la naissance d’un groupe / d’un collectif ? l’éveil d’une conscience identitaire ? le miroir de notre humanité ?…
En tout cas, bien après sa vision, ce film post-apocalyptique unique en son genre reste en mémoire comme des bribes d’un rêve « étrange et pénétrant ». LE film à voir en famille pour les fêtes (et RESTER JUSQU’À LA FIN DU GÉNÉRIQUE !!!).
Pour en savoir plus :
- L’Instagram de Gintz Zilbalodis
Oui, un très beau film, dont j’ai surtout aimé le graphisme, le traitement du relief, l’imaginaire et l’animation.. J’ai été moins convaincue par le message, que j’ai trouvé un peu convenu… Mas c’est un spectacle poétique et d’une grande beauté 😉