Clap de fin pour Des mots de minuit, l’émission culturelle de France 2 présentée par Philippe Lefait
« La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs »
Hannah Arendt
Qu’est-ce qui est le plus triste ? Que Des mots de minuit, l’une des rares émissions culturelles du PAF disparaisse après treize ans (un peu plus de vingt, si l’on compte les années Cercle de minuit) de bons et loyaux services, ou que l’annonce de cette disparition tombe, il est à craindre, dans une indifférence quasi-générale ? Car ce n’est pas son horaire nocturne et confidentiel qui pouvait rameuter les foules. Fallait-il être motivé et passionné – et/ou insomniaque – et curieux pour se caler devant son poste chaque mercredi à minuit trente ! Pourtant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs étaient fidèles à ce rendez-vous discret. Comme leur curiosité était récompensée. Car quelle émission peut se vanter d’avoir couvert avec autant d’exigence et d’ouverture l’actualité culturelle, d’avoir fait cohabiter, sur un plateau certes un peu austère mais mettant d’autant plus en valeur la parole de ses invités, cinéastes, écrivains, plasticiens, penseurs, musiciens, etc. ?
L’Art, la Culture (« ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers », selon André Malraux) sont fondamentaux à la vie sociale, à la démocratie, à la liberté. La télévision est (était ?) le média qui devrait permettre, dans la mesure du possible, leur transmission. A l’heure où le partage de la culture, dans sa forme la plus élégante, semble partout menacé par le « manque de moyens », ne faut-il pas s’inquiéter que le Service Public lui-même justifie sa mort par le contexte de crise que nous traversons ? Surtout que l’émission ne représentait certainement pas le budget le plus important de France 2 !
S’il faut supprimer un programme de qualité comme Des mots de minuit pour lui substituer de l’infotainment ultra-formatée tels Le Grand Journal, ou des émissions où les confidences d’artistes appellent une émotion qui étouffe la réflexion, nous disons non. Si l’avenir de la télévision, c’est des talk-shows où l’invité est le faire-valoir de chroniqueurs cabots ou des émissions de télé-réalité qui donnent l’illusion au spectateur lambda d’être plus intelligent que les marionnettes qu’elles exhibent, nous disons non. Si notre argent de contribuables ne doit plus servir la mission de service public, nous disons non.
Il ne s’agit par d’élitisme mais de curiosité intellectuelle, d’appétence pour la nouveauté, l’inconnu, le « à découvrir », de goût pour la diversité des genres.
Que vous soyez spectateurs, assidus ou occasionnels, ou que vous n’ayez jamais vu Des mots de minuit, nous vous demandons, nous vous prions de signer cette pétition qui circule déjà depuis hier : Dites non à la disparition de l’émission Des mots de minuit.
Ne serait-ce que pour le principe.
Merci.
C’était bien (au petit bal perdu) de Bourvil, par Philippe Decouflé – qui sert de générique à l’émission :