Manhattan 1979. Les images en noir et blanc dévoilent la ville, ses rues, ses boutiques, ses ponts et ses buildings… la musique de George Gershwin émerge, et la voix de Woody Allen donne le ton. Dans les premières secondes de Manhattan, chef d’œuvre de ses premiers jours, le réalisateur et comédien américain essaie de dire son amour pour New York City. Il hésite, recommence, insiste. Il n’y a pas de mots pour la décrire vraiment. New York City, l’indéfinissable ? New York City, je te raconte.
Ca a quelque chose d’irréel de marcher dans New York, comme l’impression d’arpenter les trottoirs d’un décor en carton-pâte. Les lignes, les couleurs, la démesure… tout paraît à la fois très familier et en même temps étrangement distant. Familier parce qu’en plus de 30 ans, mon cerveau a emmagasiné de très nombreuses images de cette ville emblématique, à travers les films surtout. Distant car l’hystérie new-yorkaise ne fait aucun doute sur sa capacité à bousculer (pour ne pas dire écraser…) tous ceux qui ne plongent pas, les yeux fermés, dans le flux urbain.
Protégée derrière mon appareil-photo, mince filtre entre la réalité et moi, j’ai parcouru dans tous les sens possibles les rues de NYC. M’arrêtant sur les boîtes aux lettres, les plaques d’égout, les vitrines, écoutant les conversations, lisant les noms des rues, souriant de découvertes qui n’en sont pas tellement. J’ai guetté, la boule au ventre, l’entrée de l’Institute of french studies. J’ai arpenté les allées de Columbia University, les rues de Midtown et de Chelsea. J’ai pris un coup de soleil sur le pont de Brooklyn. Je me suis assise dans des petits troquets pour réchauffer mes mains glacées contre une tasse de thé brûlant, tout en guettant la vie dehors. Etrangère et attirante. Comme à chaque voyage, j’ai mis un pied dans le quotidien : ma passion pour les rayons de supermarchés a été plus que comblée ! Paquets de chips démesurés, jus d’orange vendu au format 5 litres, eau minérale en bidon (qu’on pourrait facilement confondre avec du liquide de refroidissement), sauces sucrées et salées, viandes en bloc… L’excès semble avoir été érigé en valeur fondamentale, à tel point que le séjour prend l’allure d’une parenthèse fictionnelle.
La ville se découvre comme un roman haletant dont chaque page tournée nous absorbe un peu plus. On ne sait pas ce qu’il y au prochain coin de rue ; on ne sait pas ce qu’il y a dans la prochaine salle de musée. Alors, on tourne le regard et on est saisi. Que l’on soit au Met (Metropolitan Museum of New York), au MOMA (Museum Of Modern Art), au Guggenheim, ou dans tous les musées pour lesquels le temps m’a manqué, on progresse pantelant et ému. C’est presque trop… Modigliani, Van Gogh, Picasso, Munch, Cézanne, Rousseau, Seurat, Magritte, Gauguin, Monet… et Kandinsky bien sûr.
Evidemment, la ville a ses travers, ses défauts, et ses absurdités. Ni parfaite, ni idéale. Frénétique, hystérique, outrancière. Mais que l’on s’écarte un peu, à peine, des néons trop criards et l’on succombe. New York, ce n’est pas un concert. Ce n’est pas un bouquin. Ce n’est pas un film. C’est tout ça à la fois. Et tellement plus encore. Pardon New York, les mots me manquent.
Je retrouve à te lire, l’émotion forte qui m’a plusieurs fois saisie durant ce séjour partagé. C »était un « beau voyage ».