22 novembre 2024

Festival Off d’Avignon 2016 : Maxi Monster Music Show

Après Frou-Frou les Bains, direction le Théâtre des Béliers pour enchaîner avec un « cabaret forain » dont l’affiche, avec sa ténébreuse et pulpeuse femme à barbe aux yeux exorbités, m’avait séduite dès mon arrivée en ville : le Maxi Monster Music Show. Il me semble vaporeusement que j’avais envisagé de les voir, à l’époque de leur collaboration avec Juliette, mais rapidement, sans y avoir prêté trop attention. Là, dans la lumière aveuglante de la Cité des Papes, cette affiche noire, rétro, à la fois glamour et macabre, m’a frappée et c’est donc en fonction de de ce show, que je souhaitais absolument voir, que nous avons organisé l’agenda de nos premiers spectacles. Comme je m’en félicite ! Il s’agit de mon coup de foudre de ces quatre jours ! 

Maxi Monster Music Show

Il y a cinq ans, le Off d’Avignon m’offrait un choc qui devait beaucoup élargir ma curiosité en matière de spectacle vivant : le Cirque des Mirages. Avec ce duo atypique, à l’esthétique expressionniste, je découvrais, médusée, une ambiance cabaret vénéneuse, fascinante, dans laquelle se fondaient et se confondaient le XIXe siècle, les années 20, le fantastique, le gothique, la poésie, le blasphème, le dandysme baudelairien, le vertige lautréamontesque, la décadence huysmansienne, bref, autant de références qui correspondaient à mes goûts et que je n’aurais jamais pu imaginer prendre vie en chansons. Cette forme de démesure hyper théâtralisée me porta à prêter attention à des styles qui m’étaient un peu inconnus, notamment les spectacles musicaux avec des univers et personnages très marqués (l’excellent Frankenstein Jr. et, à Avignon, Le Crime de l’Orpheline, dont je parlerai d’ici peu)… Des années auparavant, j’étais tombée amoureuse de la comédie musicale Créatures, d’Alexandre Bonstein, mais je n’avais pas creusé cette voie. Le Cirque des Mirages confirma mon goût pour l’étrange, le fantastique, le bizarre, toujours beau à mes yeux.

C’est donc tout naturellement, en fan de Freaks ou Elephant Man, qu’il m’a semblé cette fois-ci impossible de rater un spectacle avec une femme à barbe, qu’elle soit authentique ou non. Le nom annonçait la parodie, peut-être un délire à la Rocky Horror Picture Show, l’un de mes films cultes (je suis amoureuse du Dr. Frank-N-Furter) ? On se doute – et on espère – qu’il ne s’agira pas d’exhiber bêtement des monstres de foire, que le spectacle ira au-delà du cliché attendu ou redouté, selon que l’on soit voyeur ou non. Et en effet, le Maxi Monster Music Show nous surprend sur bien des plans.

Dès les premières minutes, on est saisi par le soin apporté au décor, aux lumières, aux maquillages, aux costumes, très steampunk. L’ambiance est mystérieuse, sans être anxiogène ; macabre sans être sordide. On pense immédiatement au XIXe siècle ou début du XXe, aux films de monstres en noir et blanc d’Universal, à David Lynch, Tim Burton…

Les six personnages qui nous font face sont bien définis : Miss Gabrielle, la femme tronc coquette cocotte, Olga Nounoushka Bravinsky, « l’étoile filée du Bolchoï », danseuse cadavérique momifiée, Raymond Butor, l’homme fort le plus petit du monde, San Kardam, le « fakir assomniaque » au regard perçant, Los Antonios, mi-homme mi-femme et surtout, Gina Trapezina, la « poupée barbue », maîtresse de cérémonie à la fois repoussante et séduisante, charismatique, magnétique. Dodue et féline, séductrice et provocatrice, elle capte tous les regards par sa sensualité ambiguë, laissant peu de place à ses compagnons, pourtant tous hautement talentueux.

Le spectacle, qui nous dévoile un peu d’histoire de chacun, est avant tout musical et on comprend, aux premières notes, que le niveau sera très élevé. A la base, la troupe était un groupe de rock alternatif : Maximum Kouette. Avec le temps leur vint l’envie de jouer des personnages. La découverte de Freaks de Tod Browning fut une révélation. Ils expérimentèrent alors de nouveaux champs de créativité : mise en scène, décors, costumes, vidéo (cf. les aventures de la poupée barbue sur YouTube). La musique reste néanmoins le point central et fort de leur spectacle. On retrouve d’ailleurs certaines de leurs anciennes compositions réarrangées (« Et alors », « J’aurais aimé »…) et leur goût pour le métissage des genres : ska, punk, musique de l’Est, musique foraine, chanson réaliste, swing, voire western spaghetti… Solange de Dianous, alias Gina, chanteuse gouailleuse, danseuse aguicheuse, a une voix magnifique, qui évoque parfois Catherine Ringer. Elle est entourée de cinq musiciens hors pair, qui semblent pouvoir jouer de tous les instruments et tous les styles (mention spéciale à David Ménard / Raymond Butor qui fait des percussions avec des couteaux et une espèce d’immense râpe à fromage posée sur sa tête).

Très rock and drôle, le spectacle est finalement plus amusant que bizarre. Ce serait presque mon seul regret, avec le fait qu’il soit trop court (1h15, on en veut bien plus !) et ne laisse pas assez de temps pour s’attacher à tous les personnages de façon égale : Olga et San Kardam m’ont semblé un peu sacrifiés, bien que la première ait droit à un magnifique morceau de piano solo (qui m’a fortement rappelé « Le terrible enfant à gueule de chien » du Cirque des Mirages) et que l’on entrevoie leurs failles, leurs solitudes, à tous, sur l’un des derniers morceaux (le très beau « Alone in this world »). La mise en scène de Benoît Lavigne est réussie mais pourrait mettre plus en valeur, encore, les personnages, leurs liens, leurs histoires… Mais cela n’enlève en rien le plaisir immense que j’ai eu à découvrir cet univers atypique et ces musiciens géniaux.

En résumé, j’ai adoré cet ovni théâtral décalé et de qualité. Tout y est attachant, voire touchant. On en ressort la tête pleine d’images, les oreilles pleines de musique (le CD est super, même s’il manque une chanson – peut-être sur un album précédent, car il s’agit de leur troisième spectacle !) Ne vous laissez pas impressionner ou rebuter par l’affiche. Bien sûr, les monstres ne sont pas ceux qu’on croit…

Velu et approuvé !

Tous les soirs à 22h35 au Théâtre des Béliers jusqu’au 30 juillet 2016.

Pour en savoir plus :

Céline

J'aime bidouiller sur l’ordinateur, m’extasier pour un rien, écrire des lettres et des cartes postales, manger du gras et des patates, commencer des régimes, dormir en réunion, faire le ménache, pique-niquer, organiser des soirées ou des sorties « gruppiert », perdre mon temps sur Facebook et mon argent sur leboncoin.fr, ranger mes livres selon un ordre précis, pianoter/gratouiller/chantonner, courir, "véloter" dans Paris, nager loin dans la mer…

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