C’est hier qu’est sorti le 10e album studio de Marilyn Manson : Heaven upside down. Peu révolutionnaire pour les fans de la première heure, il est néanmoins très réussi et peut constituer une porte d’entrée accessible pour tous les autres amateurs de rock alternatif un peu crasseux.
Après une dizaine d’années et albums erratiques (Eat Me, Drink Me (2007), The High End of Low (2009) et Born Villain (2012), assez insipides et oubliables malgré quelques titres à retenir ici et là), Marilyn Manson nous est revenu en grande forme il y a deux ans avec une excellente surprise : The Pale Emperor, un album puissant et cohérent aux accents étonnamment bluesy et folk. Assez loin de l’oppressant Antichrist Superstar, manifeste rebelle et morbide qui fit la renommée du groupe et son chanteur il y a vingt ans, sur fond de controverse, mais bien plus fidèle artistiquement que les trois cités plus haut.
Heaven Upside Down s’inscrit dans son sillage, tout en puisant aux sources de l’identité de l’artiste. De nouveau produit par Tyler Bates, guitariste auteur de bandes originales de films, c’est une synthèse solide et séduisante de tout ce qui fait la marque de fabrique de Manson, depuis ses débuts avec Portrait of an American Family : la fusion excitante du bon gros rock alternatif à tendance métal lourd et du glam rutilant, remplie de sons indus et électro (une grosse soupe pleine de choses amusantes, quoi).
L’album est court, ce qui est plaisant et d’autant plus efficace : dix morceaux d’environ 4-5 minutes (sauf le long « Saturnalia »), à la fois différents et cohérents. Pas de gras inutile, tout est calibré au plus juste et chacun a son atmosphère propre, comme autant de petites histoires (qui forment probablement un tout). Côté paroles, je ne les comprends pas toutes au milieu de tous ces cris gutturaux, mais j’imagine que les propos n’ont guère changé : anti-establishment, critique des médias, du conservatisme chrétien, avec des jeux de mots (« SAY10 » / Satan ?)…
Musicalement, on retrouve avec plaisir un son sale et noisy entre punk et grunge (l’excellent « Revelation #12 » qui ouvre en beauté l’album, comme une réminiscence de Portrait of an American Family et Antichrist Superstar), des batteries massives et des guitares qui crachent des riffs bien « heavy » (« SAY10 », l’un de mes titres préférés, « JE$U$ CRI$I$ »), des sons bizarroïdes qui titillent le tympan (« Tattooed in reverse », décadent comme dans The Golden Age of Grotesque) et des ambiances glauques (le malsain « WE KNOW WHERE YOU FUCKING LIVE ») entre cris et chuchotements. Bon, en fait, chacun de ces morceaux contient plus ou moins tous ces ingrédients.
Parmi ces compositions typiquement mansoniennes, des choses un peu plus « accessibles » pour les oreilles profanes : des ambiances blues (« KILL4ME », petit frère de « Third Day of a Seven Day Binge », que j’adore), voire consensuelles comme « Heaven Upside Down » qui me rappelle un peu le facile « You’re so vain ». Et une espèce de ballade déprimée maladive dont il a le secret (« Blood Honey ») – même s’il a fait mieux dans le genre par le passé, notamment sur Holy Wood qui reste à ce jour mon album favori, juste devant Mechanical Animals. Le tout délivré avec une voix de vampire chuchotant ou rugissant, comme sortie d’outre-tombe, du plus bel effet.
Après avoir passé ces derniers jour à écouter en boucle cet album, impeccablement clos par « Threats of romance », je dois reconnaître que tous les morceaux me plaisent, ce qui fait de Heaven Upside Down mon troisième album préféré de Marilyn Manson ! La contrepartie, c’est qu’aucun d’entre eux ne se détache beaucoup plus qu’un autre, même si l’on peut prédire que certains enverront du gros bois en concert (bon j’exagère un peu, « SAY10 » et « KILL4ME » sont tout de même géniaux).
À près de 50 ans et 30 ans de carrière, Marilyn Manson n’est plus aussi méchant qu’il voudrait le faire croire – et l’inscrire dans sa légende. On ne reviendra plus, je pense, au radicalisme noirissime d’Antichrist superstar, ce qui n’est peut-être pas plus mal car cela lui permet d’évoluer. Tout en ne reniant rien de ses thèmes de prédilection ni de ses influences musicales, Manson continue son chemin, évitant de justesse de devenir sa propre caricature. La voix gagne en profondeur d’albums en albums. En marge de son image(rie) agressive, perdant en sauvagerie ce qu’il gagne en classe, il fait ici preuve d’un indéniable savoir faire (servi par une belle production) qui devrait, je lui souhaite, conquérir de nouveaux fans.
Pour en savoir plus :
- Marilyn Manson
- En concert à l’AccorHotels Arena le 27 novembre 2017 (je vais essayer d’y aller)