Pour utiliser la formule de Julio Cortázar, à sa façon, le dernier film de Wim Wenders est plusieurs films, mais il est surtout deux films…
D’un premier côté, il s’agit de suivre en ordre chronologique la vie et le parcours professionnel d’un économiste qui devient photographe ; d’un autre côté, plus intéressant, c’est la recherche de son âme, et de l’âme des hommes, à travers les photos qu’il a prises, les pays qu’il a visités, les horreurs et les beautés qu’il a vues.
Le documentaire, genre déjà exploré à plusieurs reprises par Wim Wenders (Buena Vista Social Club, 1999 ; The Soul of a Man, 2004 ; Pina, 2011…) expose le résultat de l’observation de Sebastião Salgado à travers ses photos : le photographe trouve l’intolérable, la guerre, la misère, la famine, la cruauté. Raisonnablement déçu de l’homme, il abandonne son métier.
Il trouvera cependant, comme Dante après d’avoir visité l’Enfer, le chemin vers le Paradis. Mais il s’agit d’un Paradis (ou Genesis) peuplé par des arbres, des animaux, des océans, des hommes primitifs.
Le film essaie d’être polyphonique, raconté par Salgado, son fils et Wenders, mais il n’y a pas de dialogue, ou de contraste. Il y a seulement la voix de Salgado qui pèse, qui s’impose. Plus qu’un film, c’est un monologue, ce qui explique le silence sur certains sujets comme les critiques à l’inauthenticité, à l’esthétisation de la misère, ou le financement de son pharaonique projet par la deuxième entreprise minière du monde.
Le film est comme le travail de Salgado : beau, esthétique, touchant, courageux, mais aussi peut-être un peu chargé de contrastes et d’effets lyriques, peut-être un peu manichéen et un peu ambigu.
Salgado n’a pas a s’expliquer sur une soi disant esthétisation de la misère. Ses photos sont efficaces parce que, accessoirement, elles sont belles et l’œuvre d’un photographe. Depuis quand un artiste n’aurait pas le droit de témoigner? (voir: http://culturebox.francetvinfo.fr/des-mots-de-minuit/cine-cinoche-151014-le-sel-de-la-terre-194139 )
évidemment, il a le droit de témoigner. Le fait est que le film a l’intention polyphonique et reste dans le monologue … un monologue sans contrepartie, exempt de critiques