Il y a plusieurs semaines, nous avons été invitées à assister à une avant-première du nouveau film de David Oelhoffen, Loin des hommes, avec Viggo Mortensen – star hollywoodienne mais pas seulement – et Reda Kateb – figure montante du cinéma français et beaucoup plus. J’avais lu les quelques lignes du synopsis et, comme souvent avec les livres / films sur la période française de l’Algérie, je traînais les pieds, pleine de méfiance, pleine d’appréhension, pleine de crainte, pleine du trop plein d’émotions et de douleurs reçues pendant ma thèse et dont je tarde un peu à me libérer. C’est donc dans un état d’esprit très très particulier que je me suis rendue dans cette petite salle Pathé du 8ème arrondissement de Paris, pour une expérience tout autant cinématographique que mémorielle.
Librement adapté d’une nouvelle d’Albert Camus intitulée L’hôte, Loin des hommes raconte d’une manière à la fois brute et épidermique la rencontre de deux hommes que l’histoire n’a fait qu’éloigner. Alors que l’ultime rupture se dessine, à l’aube du conflit qui secoua l’Algérie de 1954 à 1962, Radu, instituteur français reclus dans une montagne algérienne qu’il chérit comme sa mère et au sein de laquelle il enseigne à quelques petits enfants arabes les mêmes programmes que ceux que l’école républicaine diffuse sur le sol métropolitain, fait la rencontre, accidentelle, de Mohamed, paysan arabe accusé du meurtre de son cousin et qu’il doit livrer à la justice de la ville la plus proche.
A travers cette rencontre, qui impose une forme d’intimité entre deux personnages piégés chacun sur une rive de l’histoire, c’est l’absurde et l’incompréhensible qui transparaissent. Et au-delà du scénario même, c’est l’humanité confrontée à ses incohérences qui m’a surtout touchée. Ces hommes entiers, intègres sont loin des tribulations politiques. Ils les savent proches et dévastatrices mais n’entendent pas se laisser guider par les idéologies ni les stratégies. Tout au long de leur périple, ils vont y être confrontés, bien sûr, mais résisteront sans ciller à la tentation de choisir, l’un et l’autre, le camp qui les appelle.
Laissant toute sa place à la terre, au soleil, au vent, et rappelant ainsi l’immense force d’attraction et la dimension charnelle dont l’Algérie est terriblement capable, David Oelhoffen a su, sans esbroufe et sans trop de mots, porté par une musique de Nick Cave et Warren Ellis, mettre en avant l’incroyable bêtise de l’histoire et la formidable capacité des hommes à se (re)trouver, malgré tout, au cœur de l’incompréhensible.
Peut-être l’avez-vous compris, cette petite séance de ciné n’a pas été sans conséquence pour moi, et il m’est difficile de vous parler de ce film sans tomber à mon tour dans la mélancolie due aux ravages de l’histoire. Il ne s’agit pas ici, pour moi, de faire une analyse complète et détaillée d’une œuvre cinématographique, mais simplement de vous dire que j’ai été émue, que j’ai pleuré en voyant ainsi transposé, avec talent et mesure, un petit morceau de ce que j’ai passé plusieurs années à décortiquer et à essayer de comprendre.
Loin des hommes sera sur les écrans à partir du mercredi 14 janvier 2015. Allez le voir sans appréhension, sans a priori, sans vous dire que vous savez. Laissez Radu et Mohamed, Viggo et Reda, vous dire et vous montrer l’humanité. Elle peut être terriblement cruelle. Elle est aussi terriblement belle.
Un beau film, qui sent quand même un peu trop l’exercice de style, à mon goût. Viggo Mortensen et Reda Kateb sont très bien.
C’est vrai, c’est un très beau film,belles images,excellents acteurs. Exercice de style, je ne sais..le cinéaste adapte librement une nouvelle de Camus « L’hôte » et peut- être ce qu’on peut lui reprocher ou plus exactement ,ne pas apprécier, c’est d’avoir été trop fidèle à Camus,mais à celui de « La Peste » ( l’instituteur est très proche du Dr Rieux) ,un peu démonstratif ….plutôt qu’à celui de « L’exil et le Royaume » où personnages et situation sont plus épurés.