14 décembre 2024

Stupéfiés par « Le Cabaret stupéfiant »

C’est dans le cadre du Printemps des poètes que le prestigieux Hôtel de Lauzun (aujourd’hui l’Institut d’études avancées de Paris) ouvrait exceptionnellement ses portes au public, ce vendredi 18 mars. La Compagnie du Zéphyr y présentait en avant-première son spectacle Le Cabaret stupéfiant, mis en scène par Véronique Bellegarde, que l’on pourra voir aussi en avril au Hall de la Chanson, au Parc de la Villette.

C’est là, à L’Hôtel de Lauzun, que se réunissait le Club des Haschischins auquel participèrent Baudelaire et Théophile Gautier et bien d’autres artistes. Ils y cherchaient des sensations nouvelles, des expériences susceptibles de décupler leur imagination, ils y goûtèrent « la confiture verte » sous la surveillance scientifique de médecins… Baudelaire relata ces séances dans les Paradis artificiels pour conclure que rien ne remplace le travail poétique et que l’imagination se suffit à elle-même… Délicieuse ambiguïté sur laquelle joue la petite troupe qui nous invite à assister à une séance inspirée de ces fameuses « fantasias », et c’est jubilatoire !

Sur scène, une comédienne et chanteuse, Odja Llorca, un musicien compositeur qui joue de la contrebasse et de la guitare électrique, Philippe Thibault, un artiste monteur et manipulateur d’images, Olivier Garouste, un canapé, quelques accessoires et… un pot de confiture verte où la chanteuse trempe son doigt avec des mimiques gourmandes. Nous, même sans la céleste confiture, nous sommes vite emportés dans un tourbillon de sensations riches et puissantes comme les correspondances bien connues de l’ami Baudelaire… Odja Llorca se meut sur scène et dans la salle en ondulant et en effeuillant quelques vêtements, mais.. elle s’arrête à temps… Elle chante avec une voix chaude, claire, et les paroles et les sons se répondent, la voix et la contrebasse, la guitare, les arrangements électroniques de Philippe Thibault. Pendant que le troisième larron, Olivier Garouste qui joue les artistes évanescents, projette des formes, des couleurs qu’il compose au fur et mesure, et même des dessins d’Henri Michaux ou des extraits de Metropolis. Ce serait là le seul petit bémol à la mise en scène : l’écran est trop petit et placé sur le côté, et il est difficile de voir à la fois l’écran et la comédienne qui focalise notre regard, lequel hélas ! n’a pas la capacité de se dédoubler…

Les textes chantés mêlent Baudelaire, Gainsbourg, Bashung, Brigitte Fontaine, Michaux et Lou Reed dans une harmonie surprenante, les joies de la montée et la tristesse de la descente, sans oublier l’humour décapant de celle qui, après s’être shootée à la naphtaline, finit par se piquer à l’eau de javel…

Une fantasia qui s’ouvre sur une chanson de Dutronc, « Fais pas ci, fais pas ça », ne peut que jouer en permanence sur le second degré – et c’est ce que j’ai adoré. J’ajoute que « Une Charogne » chantée par Odja Llorca est la plus belle version que j’ai entendue !

Un spectacle, donc, à ne manquer, courez-y !

Prochaines dates :

  • Hall de la Chanson au Parc de la Villette (réservations sur billetreduc.com)
    • Les vendredis 8 et 22 avril, lundis 11 et 18 avril 2016 à 20h30
    • Les samedis 9, 16 et 23 avril 2016 à 18h00
    • Les dimanches 10, 17 et 24 avril 2016 à 16h30

Pour en savoir plus :

Denise M.

Pas d’état civil, ni dieu ni maître, je ne me définis que par mes passions. Pêle-mêle : Duras, Céline, Colette, Pascal et Simenon, Kundera, Modiano, Auster et Aswany et plein d’autres. Au cinéma Resnais d’abord, Tati, Fellini, Chabrol, Varda pour les vieux ; Ozon, Desplechin, Audiard, les Coen, Dolan, stop, c’est frustrant de ne pas pouvoir les citer tous. (Et les Argentins, les Japonais, les Coréens et… et…). À part ça, piéton de Paris, la seule ville où on peut vivre… et sinon me baguenauder à travers le monde, en Asie, en particulier, sans rien organiser…

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