Deux ans après avoir découvert l’univers délicieusement rétro et très cinématographique de Cirque Le Roux avec The Elephant in the Room, qui m’avait légèrement laissée sur ma faim, c’est avec curiosité que je suis allée voir leur deuxième création, La Nuit du Cerf. Excellente surprise ! Le mélange des genres est encore plus réussi que dans le premier et, même si l’intrigue reste un vague prétexte pour enchaîner les prouesses physiques, on rit beaucoup et on ne peut que rester scotché·e dans son fauteuil devant les prises de risque impressionnantes des six artistes.
La première chose qui frappe, chez le Cirque Le Roux, c’est le soin apporté à l’esthétique générale. Des décors aux costumes, en passant par les lumières et la musique (avec du Elton John et Joan Baez, joie !), on sent que tout a été imaginé et conçu pour créer un univers très personnel.
Après le glamour noir des années 30, nous voici projetés dans une atmosphère de film de cinéma bis des années 70 haut en couleurs. Une fratrie déjantée se retrouve pour les funérailles de la mère. L’un des personnages trouvera la mort au terme de ces retrouvailles, c’est lui-même qui l’annonce dès le début du spectacle. S’ensuit un flashback qui revient sur les circonstances rocambolesques du drame auquel, à vrai dire, on n’accorde finalement que peu d’importance.
Tout comme pour The Elephant in the Room, j’ai d’abord été un peu destabilisée par la mise en place très exubérante, ne comprenant pas trop où le spectacle allait… même si retrouver la peau de renard d’ÉlianeS m’a absolument ravie. Il faut dire que la metteuse en scène n’est autre que l’excellente Charlotte Saliou (l’une des ÉlianeS, donc), maîtresse clown pour le moins débridée (voir rencontre vidéo ci-dessous). Je m’attendais à quelque chose d’un peu horrifique (« grindhouse » oblige), on assiste plutôt à une sorte de vaudeville avec portes qui claquent et maris qui se trompent de lit (énormes fous rires toutefois sur cette partie).
Les acrobaties alternent avec les instants de folie furieuse, et on se laisse peu à peu emporter par ce rythme trépidant qui ne laisse aucun répit pour les yeux. Dans une belle mise en scène, les six protagonistes se courent après, s’étreignent, s’empoignent, se lancent en l’air, se rattrapent (heureusement !)… Certains tableaux sont vraiment superbes, je pense notamment à la scène de nuit entre les deux amants ou encore au final très poétique avec deux des acrobates suspendus tête en bas. Quant au numéro de patins à roulettes sur table, il est tout bonnement incroyable. L’énergie des comédiens-circassiens semble inépuisable, ils passent des mimiques burlesques aux numéros périlleux (les mains à mains, notamment entre hommes, sont époustouflants) avec une facilité qui laisse deviner les heures d’entraînement pour arriver à une telle maîtrise.
Même s’il me semble qu’une écriture dramatique un peu plus pointue (enfin, une vraie histoire, sans renier l’absurde) ferait de leurs spectacles des chefs d’œuvre, La Nuit du Cerf en jette. Délirant, décalé, décoiffant, cet hommage autoproclamé « au cinéma, au cirque actuel, à l’humanité dans toute sa drôlerie, ses maladresses et sa splendeur » est un voyage hors du temps dont on revient enchanté. Quelle virée !
Bonus vidéo : merci à Charlotte Saliou d’avoir bien voulu répondre à nos questions !
Avec l’aimable autorisation de Cirque Le Roux pour l’utilisation des images du teaser.
Teaser officiel :
Pour en savoir plus :
- Cirque Le Roux
- Jusqu’au 2 février 2020 au Théâtre Libre – Comedia (Paris 10e) – La salle est interdite au moins de 4 ans.
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