22 novembre 2024

My Brightest Diamond au Badaboum

Superbe performance dimanche soir de la multi-instrumentiste-et-talentueuse Shara Worden (qui a, entre autres, collaboré avec Sufjan Stevens) au sein de son groupe/projet My Brightest Diamond, dans l’intimité du Badaboum, un club parisien à l’excellente acoustique faisant honneur aux compositions et à la voix particulières de la chanteuse. Un nouveau changement de cap dans les mélodies, plus électro, mais la complexité et l’intensité demeurent intactes. Une artiste exigeante, trop peu connue à mon goût, qui plaira aux amateurs d’univers personnels, de rock sauvage, de musique expérimentale et de voix envoûtante.

Voilà sept ou huit ans que je suis d’une oreille conquise et bienveillante My Brightest Diamond. Son premier album, Bring Me The Workhorse, m’avait été conseillé et offert par Benjamin, co-fondateur du label Almost Musique, qui travaillait à l’époque chez le distributeur français de Shara Worden. « Tiens, toi qui aimes P.J. Harvey, tu devrais apprécier ça ». Les trois premiers morceaux, « Something of an end », « Golden Star » et « Gone away », de sombres bombes, avaient suffi à me convaincre – le reste de l’album, un beau diamant brut et étincelant, étant excellent aussi.

Dimanche, j’en étais donc à mon cinquième concert de My Brightest Diamond. Et, comme à chaque fois, Shara Worden m’a « époustoussoufflée ». Alors même que je n’ai rien vu de la scène (le drame de mesurer 1,58 m) (elle-même est tout aussi petite) et que je ne connaissais pas les 3/4 des morceaux, tirés en majorité de ses deux derniers albums, All Things Will Unwind, que je connais mal et This Is My Hand, que je n’avais pas encore écouté ! Une découverte qui m’a totalement séduite et m’a donné envie de me replonger derechef dans cet univers atypique.

La première chose qui m’a frappée, c’est le côté beaucoup plus dansant – pour ne pas dire joyeux – des nouvelles chansons : une ouverture sur l’efficace « Pressure », a donné le ton de la soirée. Des riffs, des beats, du rythme, du rythme, et la voix puissante de Shara, planant avec une facilité déconcertante au-dessus de cette tornade métissée, entre garage, rock progressif, électro, trip hop, folk, funk/disco, voire jazz/swing… Outre P.J. Harvey, j’ai pensé aux Kills (« I am not the bad guy »), à Goldfrapp (« So easy », « Apparition »), j’ai bougé mon petit corps durant 1h30, frappé des mains, crié ma joie d’être là.

Après un entêtant « I am not the bad guy », les excellents « Before the words » et « Lover Killer » m’ont confortée dans l’idée que Shara Worden mériterait bien plus de reconnaissance. La première partie du concert était clairement brillante – la seconde un peu moins percutante, quoique… disons que les premiers morceaux, très énergiques, plaçaient la barre très haut.

Entre deux morceaux enlevés, Shara a bien sûr glissé quelques ballades, le moite « So easy », le fantomatique « Apparition » (inspiré de Mallarmé) et une chanson écrite pour son fils, « I have never loved someone the way I love you », seule avec sa guitare. Instant de grâce.

Gros bonheur, me concernant, avec l’irruption tardive d’un vibrant « Inside a boy », l’une des rares réminiscences de ses deux premiers albums. Malgré la demande d’un spectateur, on n’entendra pas « Golden star », tout au plus un « Freak out » bien déjanté. Dommage, car « The Robin’s jar » par exemple, est un titre excellent, mais je suis ravie d’avoir découvert tous les nouveaux morceaux en live.

Shara terminera son set par deux covers : un « Fever » d’une précision diabolique, chanté depuis le public, ravi (le seul moment où j’ai pu la voir, à un mètre de moi), et son fameux « Feeling good » seule à la guitare électrique, entrecoupées par une interprétation en français de sa chanson « This is my hand », qui évoque un peu la coldwave avec ses gros synthétiseurs.

On l’accuse de préciosité ? Quelle drôle de procès à l’encontre d’une créatrice complète qui cherche simplement à repousser les limites de son art, avec une théâtralité assumée et revendiquée, mais qui le fait avec une sincérité, une modestie et une passion tellement évidentes. Devrait-elle s’excuser d’avoir été éduquée au classique et de tenter une fusion avec le rock underground ? D’avoir une voix sublime qu’elle maîtrise à la perfection ? Certains morceaux sont peut-être moins « accessibles » que d’autres (« Resonance » par exemple, me paraît un peu fastidieux, mais reste très planant en live) mais si l’on prend la peine de réellement l’écouter, on ne peut que découvrir une artiste authentique capable de serrer le coeur (« We were sparkling », « If I were Queen », « From the top of the world », « To Pluto’s moon »…)

Un concert ma foi bien puissant, comme je les aime, du rock raffiné, élégant, qui envoie en même temps du bon gros bois, tout en ménageant des temps d’émotion. Une atmosphère mi-joyeuse mi-crépusculaire, mi-chaleureuse mi-froide, jamais totalement évidente ni consensuelle, ce qui explique peut-être la relative confidentialité de cette artiste qui n’a de cesse, d’album en album, d’élargir sa palette pour nous surprendre et nous émerveiller.

My Brightest Diamond Setlist Badaboum, Paris, France 2014

Pour en savoir plus :

Céline

J'aime bidouiller sur l’ordinateur, m’extasier pour un rien, écrire des lettres et des cartes postales, manger du gras et des patates, commencer des régimes, dormir en réunion, faire le ménache, pique-niquer, organiser des soirées ou des sorties « gruppiert », perdre mon temps sur Facebook et mon argent sur leboncoin.fr, ranger mes livres selon un ordre précis, pianoter/gratouiller/chantonner, courir, "véloter" dans Paris, nager loin dans la mer…

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Une réflexion sur « My Brightest Diamond au Badaboum »

  1. Une bien belle soirée, j’aurais du rester dans la fosse, j’ai loupé son « fever » depuis le public.

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