Femmes fatales, femmes vocales, les Divalala enchantent actuellement le théâtre de Ménilmontant avec leur second spectacle Femme Femme Femme. Un « voyage voyage » a cappella (mais pas que) au c(h)œur de la vie d’une femme fraîchement célibataire. Original, drôle et vocalement bluffant, le spectacle nous emporte dans le tourbillon d’une cinquantaine de chansons françaises et internationales choisies et « mash upées » avec un talent fou.
Qui sont les Divalala ? Trois jeunes femmes pétillantes et scintillantes, aux couleurs vocales à la fois proches et complémentaires : Marion, la petite brunette soprano, Gabrielle, la grande blonde vénitienne mezzo, et Angélique, la fine brune alto « avec beaucoup d’aigus ». Le trio, pluridisciplinaire, formé aussi bien à la musique qu’au théâtre, s’est d’abord rencontré il y a six ans, sur un spectacle, Coup de Foudre, qui rassemblait une douzaine d’artistes. Un coup de foudre musical autant qu’amical !
Gabrielle, qui souhaitait tourner plus facilement et légèrement, sans instrument et avec une équipe restreinte, a alors l’idée d’extraire l’un des numéros, un trio polyphonique (qui ne les avait jamais réunies), et de faire appel à Angélique et Marion pour former les Divalala. L’arrangeur musical de Coup de Foudre, Raphël Callendreau, les rejoint dans l’aventure et, ensemble, ils créent le premier spectacle des Divalala : Chansons d’amour traficotées, construit chanson après chanson autour du parcours amoureux, en partant des premiers émois adolescents. Le spectacle fait deux Avignon, tourne cinq ans et des dates sont encore prévues en 2018.
En parallèle, en septembre 2015, elles s’attellent à Femme Femme Femme, qui s’inscrit dans la continuité du premier spectacle, en prenant pour thème les émois d’une femme tout juste célibataire. Mais avec une volonté de faire plus compliqué, « d’envoyer du lourd ». Présenté en février 2016, ce spectacle a sans cesse évolué, jusqu’à la version que j’ai vue fin octobre au Théâtre de Ménilmontant.
Je l’ai découvert un peu par hasard, après avoir visionné la bande-annonce, qui m’avait plu. Je suis loin d’être fan de chants a cappella, que je trouve souvent soit austères, soit ennuyeux, mais quelque chose de sympathique se dégageait de la vidéo… qui ne fait que donner un aperçu des multiples talents de ces trois chanteuses (c’est pourquoi je ne la poste pas ici). Je m’attendais à un petit truc sympa et j’ai eu droit à un festival de notes, de rythmes, de références, d’humour, de folie…
Ces trois drôles de dames chantent, autant qu’elles les jouent, des dizaines de chansons, le plus souvent entremêlées, pour raconter leur histoire. Charmantes et féminines, coquines et sexy, drôles et énergiques, elles passent avec une facilité étourdissante de la chanson française la plus kitsch au chant Renaissance, de la pop actuelle à l’opéra, du rock au disco, parfois au sein d’un même morceau savamment reconstruit. On saisit ici et là, presque au vol, des bouts de chansons, des mélodies, qui sont soudain mariées à d’autres styles a priori improbables (les Forbans et IAM pour ne prendre qu’un exemple)…
On pourrait se dire qu’1h15 de chansons mixées a cappella, c’est lassant. Pas du tout. Car les Divalala nous réservent des surprises : elles ne savent pas que chanter, danser et jouer la comédie ! Elles font aussi de la human beatbox, utilisent des pads, maîtrisent les body percussions, jouent du vermillon ou des boomwhackers – vous découvrirez dans le spectacle ce que c’est.
On sent parfaitement l’exigence et la technique irréprochable qu’il leur faut avoir pour maîtriser l’exercice, qu’elles ont complexifié en s’échangeant les lignes mélodiques au sein des morceaux. Selon elles, la difficulté est une nécessité : « on est presque condamnées à être performantes, sinon ce serait trop léger ». La performance est visible mais n’est pas ostentatoire. Au contraire, elle crée une forme de magie, un « wow effect », d’autant plus que leur plaisir de chanter ensemble est communicatif et que, comme des acrobates de haute voltige, leur confiance et leur complicité sont évidentes.
En plus des voix exceptionnelles, les arrangements sont de qualité, les costumes et décors travaillés. Tout concourt à nous faire passer une excellente soirée. Ça part parfois un peu en cacahuète, avec Herbert Léonard en guest iconique « WTF* », mais le pari est réussi : c’est drôle et touchant (superbe reprise de Sia en Français, mêlée à du Christine and the Queens), c’est vivant et habité, tendre (car, oui ! leur amour pour la chanson transpire dans chaque note) et unique.
J’ai été happée du début à la fin, tellement curieuse de savoir ce qu’elles allaient me réserver. La fin arrive presque trop tôt, on voudrait savoir pourquoi telle ou telle chanson qui entrerait pourtant dans la thématique n’a pas été retenue. Une fois sortie, je n’ai eu qu’une envie : y retourner. Ce que je compte bien faire puisqu’elles sont encore là jusqu’au 10 février. Si vous aimez la musique, la chanson, la créativité débridée et décalée, n’hésitez pas, allez-y en groupe, c’est encore mieux.
Moi, je suis Fan Fan Fan !
*WTF = what the fuck? = ouhla mais c’est quoi ce truc ?
Photos : Charlotte Spill