27 juillet 2024
Elton John "Farewell Yellow Brick Road" 21 juin 2023 Accor Arena © Céline Allais

Goodbye seems to be the hardest word*

* Titre de cet article courtesy of my friend Raphaël G. qui connaît ma passion depuis toujours et que les adieux de Sir Elton John depuis 5 ans amusent beaucoup

Ce mercredi 21 juin, mon jeune accompagnateur « tout terrain » H. et moi avions rendez-vous avec l’idole musicale de ma jeunesse – et au-delà : Sir Elton John. Rendez-vous pris depuis 5 ans (!), puisque ces places étaient mon cadeau de Noël… 2018 (!) pour une date annoncée en 2020 (!) avant que la Covid-19 puis quelques problèmes de santé du Rocket Man ne repoussent encore et encore ce concert tant attendu. Entretemps, puisqu’il n’en finissait pas de (re)venir faire ses adieux à Paris, je suis allée lui dire au revoir en juin 2019 à l’Accor Arena, puis les deux soirs à la Défense Arena en juin 2022. Sur les 8 concerts de Sir Elton que j’ai faits dans ma vie (bien trop peu avec le recul au vu de mon amour pour lui !), la moitié fait donc partie de la même tournée, c’est un peu ballot. Qu’importe : cette tournée d’adieux est tellement joyeuse et généreuse qu’il est enfin temps que j’en parle.

Tout d’abord, quel plaisir de revenir à Bercy après avoir vécu l’expérience de la Défense, ce hall surdimensionné à l’acoustique agressive ! En pénétrant dans la salle, j’ai même eu l’impression d’être près de la scène… Impression toute relative puisque nous étions en catégorie 3. Autant dire que sans les écrans gigantesques, Elton serait resté un petit point scintillant dans ma mémoire, telle une étoile inaccessible. Cette année, j’avais décidé d’arriver une heure à l’avance, échaudée par mon expérience de 2019 : j’avais dû courir partout pour je ne sais plus quelle raison, l’organisation à l’entrée était catastrophique, résultat : Elton en était à sa 3e chanson quand j’avais enfin pu rentrer dans la salle, comme des dizaines d’autres personnes, en nage et en rage. Le temps que je me calme, j’avais déjà gâché une partie de ma soirée. De plus, je le voyais entre 4 concerts de Mylène Farmer, j’étais un peu aux fraises.

Cette fois, j’étais prête à ne rien me laisser gâcher. Je savais que ce serait a priori la dernière fois que je verrais mon cher Elton sur scène. Le fait que cette date ait été repoussée depuis si longtemps avait au fond reculé avec un certain bonheur cette dramatique échéance à laquelle je ne voulais pas penser. Et puis cela avait permis que H. atteigne 10 ans, un âge raisonnable je pense pour supporter à peu près correctement près de 2h30 de concert pop à plein volume même sans connaître trop les chansons. Elton était un peu notre blague commune, notre Arlésienne. Le verra, le verra pas ?

Téma la taille de l’écran en arrière-plan ! (et les lunettes clignotantes de H. !)

L’a vu ! Et l’a aimé ! Faut dire qu’Elton ne se sera pas moqué de nous. Son Farewell Yellow Brick Tour a une pêche d’enfer, puisant majoritairement dans son répertoire des 70’s (sa meilleure période) et des chansons plutôt rock n’ roll ou bluesy. Exit donc, hélas, les « Believe », « The One », « The Last Song » ou autre ballade moelleuse ou triste dont je suis personnellement une grande consommatrice dans le secret de mon salon, mais après tout, nous n’allions pas nous quitter dans les larmes et le drama, n’est-ce pas ?

C’est donc plutôt à une grande fête pop et colorée que nous convie le chanteur aux lunettes et looks plus douteux les uns que les autres (de la queue de pie à sequins au survêtement luxe, en passant par le peignoir-robe de chambre à paillettes) qui font aussi son charme, et à l’énergie à peine croyable à plus de 76 ans. Il est vrai que les places ne sont pas données mais durant près de 2h30, nous en prenons plein les yeux et les oreilles. Plein les yeux parce que la scéno, très impressionnante, permet à tout le monde de très bien voir : un cameraman filme ce qui se passe sur scène entre les vidéos spécialement créées pour l’événement. Plein les oreilles parce qu’Elton, l’implant capillaire plus flamboyant que jamais, n’a rien perdu de sa voix puissante ni de son jeu énergique. En pleine maîtrise de son art, il enchaîne avec une aisance qui force l’admiration les tubes comme les perles de ses vestes ou les diamants de ses lunettes : « Bennie and the Jets » qui ouvre le bal sous les cris du public, « Philadelphia Freedom » (que je finis par un peu aimer à force), « I guess that’s why they call it the blues » sur des projections de photographies décalées de (ou à la) Martin Parr, « Candle in the Wind », « Sorry seems to be the hardest word », « Don’t let the sun go down on me »… sans oublier « Rocket Man » sur lequel le pianiste qu’il est n’oublie pas d’improviser de longues minutes sur fond d’ambiance spatiale. À un moment, une personne du public lui remet un immense dessin qu’il brandit sous les acclamations.

Entre les hits, des morceaux moins connus du grand public tirés de ses plus beaux albums des années 70 (sur lesquels quasiment rien n’était à jeter) : « Border Song », chanson aux accents soul / spiritual / gospel dédiée à Aretha Franklin, « Have Mercy on the Criminal », à la fois blues et épique sur un film d’animation rouge sang, deux joyaux de Madman Across the Water : « Tiny Dancer » et « Levon ».

(Filmé en 2022)
(Filmé en 2023) Le band est formidable as usual !

Comme pour les autres dates, l’ambiance des gradins se déride bien plus lentement que dans la fosse où les spectateurs (riches : 315 € la place en Or !) sont agglutinés devant la scène depuis le début. Il faut attendre un peu après « Funeral for a Friend / Love Lies Bleeding » (le piano bouge tout seul), plus précisément « Sad Songs (Say So Much) » il me semble, juste après le piano en feu de l’excellent « Burn down the mission », pour que les gens commencent à se trémousser dans les gradins (et encore, vers chez nous, il a fallu attendre encore plus longtemps, alors que j’avais des fourmis dans les fesses pour m’exciter un peu plus !).

Avec son grand chelem quasi final « The Bitch is Back », « I’m Still Standing », « Crocodile Rock » (avec les « laaaaaa la la la la la » survoltés de la foule) et « Saturday Night’s Alright For Fighting » avec pluie de confettis, Elton, comme Danette, met tout le monde debout et d’accord. Même H., qui tapait des mains comme les autres, m’a demandé : « Il a gardé les meilleures pour la fin ? » Tout ça avec, en fond d’écran, des projections vidéos aussi délirantes que touchantes : drags se crêpant le chignon, rétrospective de photos d’Elton dans tous ses costumes, vidéos de fans (pourquoi personne ne m’a prévenue !?!) et compilation de scènes ciné de baston. Devant toutes les photos d’Elton, on prend la mesure du destin exceptionnel de ce garçon de la classe ouvrière anglaise, complexé, timide et solitaire, devenu l’une des stars les plus prolifiques de la pop.

(Filmé en 2022)

Pour le rappel, Elton nous revient dans une 3e tenue : son plus beau peignoir-robe de chambre (il semble en avoir une chouette collection) super comfy, peut-être prêt à aller faire un bon dodo à l’hôtel après avoir tant donné de sa personne (à noter qu’il en était, si j’ai bien compris, à sa 322e date de concert de cette tournée interminable et cela faisait plus de 60 fois qu’il venait jouer à Paris) (je l’y ai donc vu 1/10e de fois). H. de rigoler : « Tu crois qu’il s’est lavé les dents aussi ? »

On passera sur l’ignoblerie « Cold Heart », ce duo virtuel atroce avec Dua Lupa, mix improbable entre « Sacrifice », « Rocket Man », « Kiss the Bride » et « Where’s the Shoorah? », mais bon, il a l’air de tellement aimer cette création aux dessins hideux, si ça lui fait plaisir. On notera que j’aime bien me moquer d’Elton mais c’est à la hauteur de la tendresse que je lui porte.

Arrive enfin MA chanson, et je lui sais gré d’avoir gardé la meilleure pour la fin :

(Filmé en 2023) (Il y a aussi la version 2022 ici)

Et là, soudain, le cœur se serre. C’est donc la dernière fois qu’il me sera offert de l’entendre en live, cette merveille de chanson… Dans un morceau, Elton ne fera plus partie des possibles en termes d’artistes à voir « en vrai » (même si de loin). La dépression me guette (elle me poursuit même depuis deux jours).

Mais elle ne m’empêche pas de savourer « Goodbye Yellow Brick Road », à l’issue de laquelle Elton repart sur une sorte de rampe pour personne à mobilité réduite vers le haut de la scène sous les bravi de reconnaissance. Une vidéo prend le relais pour nous montrer un Elton de dos s’engageant résolument sur cette fameuse route de briques jaunes vers un ciel glorieux du plus beau kitsch. Rejoignant tout à la fois un avenir encore passionnant ainsi que le panthéon des légendes de la musique populaire.

Pendant le concert, le chanteur, visiblement toujours heureux de se produire, a remercié le public pour sa patience, sa fidélité, sa loyauté, d’avoir toujours été là.

À notre tour, à mon tour de le remercier car, sans le savoir, il aura illuminé de son talent mes heures les plus sombres. Merci pour la musique. Merci pour la sensibilité. Merci pour la joie. Merci d’avoir rendu la vie écoutable. Tellement heureuse d’avoir pu passer quelques années en commun sur cette Terre en même temps que lui et d’avoir pu partager cet ultime concert avec mon fils qui était très content. 30 ans après être tombée amoureuse de sa musique et un peu de lui, en quelque sorte, une page, pas seulement musicale, se tourne. Merci, cher, très cher Sir Elton, d’avoir été la bande originale de ma vie.

Pour en savoir plus :

Céline

J'aime bidouiller sur l’ordinateur, m’extasier pour un rien, écrire des lettres et des cartes postales, manger du gras et des patates, commencer des régimes, dormir en réunion, faire le ménache, pique-niquer, organiser des soirées ou des sorties « gruppiert », perdre mon temps sur Facebook et mon argent sur leboncoin.fr, ranger mes livres selon un ordre précis, pianoter/gratouiller/chantonner, courir, "véloter" dans Paris, nager loin dans la mer…

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