29 avril 2024
Exposition Niki Lindroth von Bahr à l'Institut Suédois © Céline pour LMEN

Derniers jours pour découvrir l’univers (métaphysique et mélancolique) de Niki Lindroth von Bahr

C’est toujours une bonne idée d’aller flâner à l’Institut suédois dans le Marais. Outre que le lieu est charmant et le goûter goûtu (je vous recommande la kanelbullar à la cardamome !), on y fait de superbes découvertes (comme par exemple Ane Brun). En ce moment et jusqu’au 12 février, l’Institut présente un amour de petite exposition qui m’a ravie autant que les deux garçons de 10 ans que j’y ai emmenés : Les fables de Niki Lindroth von Bahr, animatrice suédoise qui concocte des films en stop motion intrigants et sacrément touchants.

Voici donc l’occasion rêvée de (re)découvrir un type d’animation qui nous change des dessins animés pétaradants et stroboscopiques actuels. Dans une petite salle (malheureusement attenante à l’entrée, ce qui fait qu’on entend tout ce qui se passe dès qu’un visiteur se met à discuter à l’accueil) sont projetés en boucle quatre courts métrages de Niki Lindroth von Bahr, qui nous plongent derechef dans son univers singulier. Je ne connaissais pas du tout et j’ai adoré : avec un sens du détail réjouissant, la réalisatrice met en scène des petits animaux – entre mignons et glauques – dans des décors contemporains réalistes et des situations teintées d’étrangeté.

The Burden (Le Fardeau) est une comédie musicale déprimée qui se passe dans quatre lieux différents : un hôtel, un fast food, un call center et un supermarché. Dans ces espaces impersonnels de consommation, chacun chante ou danse sa solitude, son besoin de communiquer, l’incongruité de son travail, le poids insupportable de la vie, jusqu’à une fin assez vertigineuse nous renvoyant à l’absurdité de l’existence.

À voir en entier sur Arte :

Dans Something to remember, des personnages qui n’ont pas l’air d’aller mieux que les précédents chantent également des choses bizarres, dans une atmosphère (zoo vide, visite chez le médecin, personnage qui vomit en arrière-plan…) annonçant comme une terrible catastrophe – la fin du monde ? Poétiquement apocalyptique.

Tord and Tord ressemble à une nouvelle fantastique (il est d’ailleurs tiré d’un récit écrit par un ami de Niki Lindroth von Bahr, si j’ai bien compris) : la dérive d’une amitié de hasard entre deux voisins, un renard et un lapin, tous deux nommés Tord. Trouble, mystérieuse et peut-être un peu schizophrénique, cette histoire se termine dans la solitude la plus totale, sans donner de piste claire d’interprétation.

Enfin, dans The Bath House, six personnages se croisent, sans réussir à communiquer, dans une piscine, certains avec des intentions peu louables.

Au sortir de ces quatre courts-métrages métaphysiques et existentiels, vous aurez compris qu’on n’est pas forcément très guilleret – même s’ils sont empreints d’un humour décalé. Les enfants risquent d’être un peu déstabilisés (il n’y a pas de violence, juste une profonde mélancolie et surtout, un rythme très lent et contemplatif), mais cela peut aussi donner lieu à des conversations intéressantes. Et quel plaisir de voir des films d’animation qui prennent leur temps et qui osent l’ambiguïté, sans nous asséner de morale consensuelle toute faite.

L’exposition, dans deux autres salles, qui permet d’observer en détail les décors et personnages de trois de ces films, remet heureusement les jeunes visiteurs dans une humeur plus euphorique. Petits et grands sont émerveillés par la minutie avec laquelle sont construites les scènes. Mon fils a pensé à Radio Daisy. On oublie le côté sombre pour admirer l’envers du décor. Les rayons du supermarché sont fascinants, une visiteuse fait remarquer en souriant le détail d’un calendrier avec un petit chat près d’un poste de travail, pour ma part, je ne me remets toujours pas de la chenille en mono-chandail et mono-jean et du poisson en survêtement.

Quelques photos et storyboards, ainsi qu’un montage vidéo de références esthétiques, expliquent un peu plus le processus de fabrication.

Bien que l’exposition ne soit pas très grande, elle vaut le détour. Sans doute aurait-ce été intéressant de la compléter avec la rencontre avec Niki Lindroth von Bahr en personne le soir-même, mais nous ne pouvions hélas pas rester.

Quelques photos (mais c’est tellement mieux en vrai) :

De mon côté, enchantée par la découverte de cette artiste atypique, j’en ai profité pour regarder dans la foulée The House, sur Netflix. Un triptyque d’animation horrifique – donc pas du tout pour les enfants – qui m’a réellement fait peur ! Le deuxième film est réalisé par Niki Lindroth von Bahr, avec une ambition esthétique encore plus poussée que dans ses précédents courts métrages. Même s’il est très bien, son côté un peu dégoûtant m’a fait préférer le premier film, dans une veine plus classique, mais avec des personnages plus attachants (j’étais terrorisée pour les deux enfants si mignonnes avec leur tête de coton). Le troisième est plus faible selon moi, bien que l’atmosphère d’inondation brumeuse soit très réussie.

Bref, que vous aimiez l’animation ou pas, il est toujours impressionnant de voir le processus de fabrication d’une œuvre « image par image ». Quelle patience, quelle passion faut-il avoir pour son art ! J’ai hâte de voir d’autres films de Niki Lindroth von Bahr à l’avenir. N’hésitez pas à aller vous extasier à l’Institut suédois – en plus, c’est gratuit.

Photos : Céline

Pour en savoir plus :

Céline

J'aime bidouiller sur l’ordinateur, m’extasier pour un rien, écrire des lettres et des cartes postales, manger du gras et des patates, commencer des régimes, dormir en réunion, faire le ménache, pique-niquer, organiser des soirées ou des sorties « gruppiert », perdre mon temps sur Facebook et mon argent sur leboncoin.fr, ranger mes livres selon un ordre précis, pianoter/gratouiller/chantonner, courir, "véloter" dans Paris, nager loin dans la mer…

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